Après deux années de procédure, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a donc été condamnée, ce 14 octobre, pour « refus irrégulier de versement de financement culturel ».
Cette décision rappelle de manière importante, que s’il n’existe pas de droit acquis au versement d’une subvention, qui relève bien de la discrétion de la collectivité, celle-ci ne peut pour autant se désengager entièrement de ses obligations sans avoir préalablement rompu formellement une convention pluriannuelle d’objectifs, sur la base d’arguments légalement recevables. En la matière, des prises de parole critiques envers les orientations politiques d’une collectivité ne sont pas un motif légalement recevable.
Cette décision constitue un signal fort en faveur de la liberté d’expression et de l’indépendance des institutions culturelles. Elle réaffirme que les financements publics ne peuvent être utilisés comme instruments de pression politique et qu’ils doivent rester fondés sur des critères transparents, équitables et respectueux du principe d’égalité entre les acteurs culturels.
Cette décision constitue une jurisprudence majeure dont le Syndeac se saisira pour apporter un soutien juridique à l’ensemble de ses structures adhérentes confrontées à des difficultés comparables à celles rencontrées par le TNG.
Cette victoire juridique est la démonstration que l’action syndicale peut compter sur la force du collectif et s’appuyer sur le droit pour faire face aux pressions politiques et financières engagées par certains élus. Le principe de libre administration n’est pas un sésame qui donnerait les pleins pouvoirs à certains élus autoritaristes, et qui les autoriserait à ne pas respecter les lois afin de réduire au silence toute expression critique ou tout projet de création qui contrarie leurs orientations idéologiques.
Mais cette victoire juridique et symbolique ne saurait masquer le danger qui se profile : l’affaiblissement programmé du service public de la culture.
Plus que jamais, nous devons être mobilisés, ne pas renoncer à nos libertés face à ces pressions explicites et implicites, ne pas accepter le contexte économique et politique avec fatalité. Nous devons refuser ce “new-normal” qui voudrait s’affirmer comme une évidence et nous imposer, avec brutalité, une forme d’auto-censure. Précisément parce que nous ressentons quotidiennement que cette “nouvelle normalité” gagne du terrain, nous devons redoubler d’initiatives pour la combattre. A ce titre, le projet de loi de finances 2026, tel qu’il a été initialement présenté, est un véritable danger. Pour ne parler que de sa partie “culture”, l’effondrement programmé des crédits occasionnerait une nouvelle violente chute de notre activité de service public. La précarité financière deviendrait telle, que le pouvoir politique – traduit alors en “bon-vouloir” de subvention – en sortirait largement renforcé quand la capacité des acteurs culturels à défendre leurs libertés de création et de programmation serait, elle, encore affaiblie face aux tentatives de contrôle idéologique des esprits et des récits. Ce budget serait un boulevard ouvert au mouvement réactionnaire, qui pourrait transformer la politique culturelle, après les prochaines échéances électorales, en un pur programme de propagande. Il s’agirait d’un mouvement de recul, sans précédent, qui nous renverrait à l’époque où l’art et la culture devaient plaire à la cour et s’en remettre aux “mécènes”.
Pour défendre nos services publics et les dynamiques associatives, le Syndeac a mené un travail de plaidoyer depuis plusieurs semaines pour faire entendre nos arguments. Ensuite, avec l’intersyndicale, nous avons adressé une alerte sur l’état du secteur culturel public en demandant une révision profonde du budget de la culture en rappelant le rôle inédit du Parlement dans la préparation du budget 2026. Enfin avec les deux organisations employeurs du spectacle vivant public réunis au sein de l’USEP, nous avons écrit à la Ministre de la culture pour demander à être reçu et entendu au plus vite.
Ce projet de loi de finances 2026 est à rebours de tous les discours officiels, il tourne le dos à la jeunesse, aux droits culturels et aux territoires populaires.
S’il devait être adopté en l’état, sans amendements significatifs, alors il faudra unanimement nous mobiliser, sans faire passer les urgences du présent avant les enjeux d’un futur bien trop proche.
Pour le bureau, Claire Guièze et Joris Mathieu
Coprésidente et coprésident du Syndeac