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Monsieur le Ministre, 60 ans, est-ce l’âge de mourir ?

Pour le soixantième anniversaire du Ministère de la culture, un ensemble de syndicats du monde de la culture et du spectacle rappelle le « besoin d'un ministère fort et engagé dans des missions ambitieuses ».

Pour le soixantième anniversaire du Ministère de la culture, un ensemble de syndicats du monde de la culture et du spectacle rappelle le «besoin d’un ministère fort et engagé dans des missions ambitieuses». Affaibli, en perte d’influence face aux régions, l’actuel ministère de Franck Riester choisit de libéraliser plutôt que de «porter haut et fort la nécessité d’une hausse des moyens».

 

Monsieur le Ministre,

 

Le ministère de la culture fête ses 60 ans cet été. Nous aimerions tant nous en réjouir. Malheureusement, l’inquiétude est telle que nous ne parvenons pas à envisager sereinement son 61ème anniversaire.

 

Dans le contexte social et sociétal qui est le nôtre, face aux besoins d’égalité, de protection sociale, de partages, énoncés par les multiples mouvements sociaux persistants, nous aurions besoin d’un ministère fort et engagé dans des missions ambitieuses, au service des publics, de l’égalité d’accès à la richesse et la diversité des créations sur l’ensemble du territoire. Au lieu de cela nous assistons à son renoncement progressif.

 

Par vos propos tenus lors du CNPS (Conseil national des professions du spectacle) plénier en juin dernier, vous avez, monsieur le Ministre, fait naître des doutes quant à votre attachement aux labels. Ils sont la structure même de vos missions, de vos engagements sur les territoires. Ils sont les fondations de notre politique, Centre Dramatiques Nationaux, Centre Chorégraphiques Nationaux, Scènes Nationales, Opéras, SMAC, Cirques, Scènes Conventionnées, Théâtres de Ville, orchestres… qui assurent la diversité des créations et l’accès à tous dans le spectacle vivant.

 

Vous avez affirmé votre détermination à accomplir la feuille de route gouvernementale et à accroître la déconcentration des procédures en matière de politique culturelle. Pour un Ministère déjà déconcentré à 80%, cela nous paraît peu logique et dangereux. Donner aux préfets le pouvoir d’agréer toutes les directions des entreprises labellisées, et de les délabelliser, risque de fragiliser gravement ces dernières face aux tensions locales sur les territoires. Seule la signature du ministre peut être gage de la liberté qu’a toujours garantie l’État. Ici, le ministère ne sera donc plus le garant d’une équité territoriale des citoyennes et citoyens en matière d’’égalité d’accès et de liberté de création, mais, pire, il n’en sera plus le prescripteur, le constructeur. Il risquerait de n’être qu’une plate-forme informative et distributive d’aides et serait alors totalement vidé de son sens, de son essence même.

 

Nous refusons toute approche malthusienne. Les équipes artistiques indépendantes ont besoin d’être mieux soutenues, tout simplement parce qu’elles sont le cœur d’une politique publique, elles doivent être considérées comme les acteurs premiers de cette politique, elles doivent être de nouveau installées dans les territoires, au plus près des habitants. Or, vous faites le choix de réformer et de libéraliser à budget constant, plutôt que de porter haut et fort la nécessité d’une hausse des moyens alloués à votre ministère. C’est cette hausse qui par une nouvelle politique en faveur des artistes permettrait de répondre aux besoins de la population, et de conjurer son anxiété devant le déclassement et la perte des outils de l’émancipation.

 

Depuis son élection, le Président de la République n’a pas encore exprimé de vision d’une politique culturelle ambitieuse. Il ne dialogue pas avec notre secteur et ses représentants et ne porte qu’une politique d’outils qui affaiblissent encore votre ministère : Pass culture, microfolies… et pendant ce temps, le ministère perd en influence et s’affaiblit face à des régions devenues surpuissantes après la loi NOTRe.

 

Monsieur le Ministre, 60 ans, est-ce l’âge de mourir ?

 

Nous, artistes-interprètes du théâtre, de la musique, de la danse, du cirque, de la marionnette, metteurs et metteuses en scène, chorégraphes, directeurs et directrices, techniciens et techniciennes, équipes administratives, auteurs et autrices, nous avons été les initiateurs de la décentralisation, nous en sommes toujours les acteurs. Nous débattons, inventons, cet outil chaque jour. Nous en sommes à l’origine, et nous en serons le futur.

 

Car, s’il nous arrive parfois de nous empoigner, de nous contester, de nous interroger, c’est toujours parce que nous savons l’importance des outils que nous avons aujourd’hui entre les mains. Nous sommes conscients de l’enjeu de notre mission, pour une société de l’échange, de l’humain, du vivant, de la création.

 

Ici nous sommes unis.

 

Nous sommes totalement opposés à la direction que vous donnez à votre politique si elle est celle de l’affaiblissement de votre ministère, de la stagnation de ses moyens et de l’absence d’ambition politique clairement affirmée.

Monsieur le Ministre, prenez en compte l’importance du travail formidable des équipes dans les lieux labellisés, conventionnés, les festivals et sur l’ensemble des territoires. Ne videz pas le ministère de ses prérogatives. Au contraire, donnez-nous du souffle, de la pensée, des moyens d’agir.

 

Alors, monsieur le Ministre, nous vous souhaitons un bon 60ème anniversaire. Nous serons là.

 

Et un peu en avance, à tout le ministère, aux agents, et à tous ceux qui construisent avec nous le service public du spectacle, un très joyeux 61ème anniversaire à venir. Nous serons là.

 

 

Signataires :

La Fédération CGT spectacle (FNSAC-CGT et ses syndicats du spectacle vivant : SFA, SNAM, SYNPTAC) ;

FASAP-FO ;

FCCS-CGC ;

L’Usep-SV (Syndeac, SNSP, Forces Musicales, PROFEDIM)

 


Cette lettre se trouve aussi sur Médiapart et a été publiée le 22 juillet 2019

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