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Débat sur le 20e anniversaire de la Convention de l’UNESCO

Le Syndeac a participé à la conférence organisée le 19 novembre dernier par les coalitions européennes pour la diversité culturelle, en partenariat avec la députée européenne Emma Rafowicz, qui ont célébré le 20e anniversaire de la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles au Parlement européen.

La conférence a rassemblé une centaine de participants issus de tous les secteurs culturels et de tous les États membres en présence notamment de de Glenn Micallef, commissaire à l’égalité intergénérationnelle, à la jeunesse, à la culture et au sport, et de Lodovico Folin Calabi, directeur et représentant de l’UNESCO auprès de l’UE.

Vingt ans après son adoption, la Convention de l’UNESCO garantit que les œuvres culturelles soient traitées comme des expressions de l’imagination et de l’humanité. Si l’Union européenne a traduit ces principes dans des législations clés (sur le droit d’auteur, les services audiovisuels, les marchés numériques et, plus récemment, l’intelligence artificielle), de nouvelles menaces apparaissent (comme l’intelligence artificielle générative, les plateformes opaques, la concentration des données et la pression internationale) qui remet en cause la réglementation culturelle européenne.

Le commissaire Glenn Micallefi a annoncé le lancement de la « Boussole culturelle pour l’Europe », conçue pour intégrer les priorités culturelles dans toutes les politiques de l’Union européenne. Rappelant que l’Europe compte 24 langues officielles, 8 millions d’emplois culturels et 800 milliards d’euros générés chaque année par les actions culturelles, il a souligné que la diversité culturelle et la protection des libertés fondamentales sont de grands atouts stratégiques de l’Europe et doivent rester des priorités politiques centraux.

Lors du premier panel, consacré à l’impact des plateformes sur la diversité culturelle, la députée européenne Emma Rafowicz a averti que la concentration croissante des données et la domination algorithmique pourraient conduire à une standardisation des contenus et à une situation où seule très peu d’entreprises contrôleraient l’ensemble des chaînes de valeurs culturelles. Le président de l’EFAD (European Film Agency Directors), Chris Marcich a souligné que les géants mondiaux du streaming portent de plus en plus atteinte à la diversité culturelle en Europe, et que la réglementation existante n’est plus suffisante. Représentant la Fédération des éditeurs européens (FEP), Phaedon Kidoniatis a mis en évidence la transformation profonde de la production, de la distribution et de la consommation des livres, la domination des contenus en langue anglaise et la montée en puissance de sources peu fiables générées par l’intelligence artificielle. Phaedon Kidoniatis a mis en évidence la nécessité d’investir dans les métadonnées, la normalisation et la recherche pour améliorer la découverte des livres et soutenir la diversité linguistique et culturelle.

Pour les maisons de disques indépendantes, Helen Smith, de l’IMPALA (Independent Music Companies Associations), a affirmé que la montée en puissance des phénomènes de concentration doit faire l’objet d’une vigilance accrue afin d’empêcher toute nouvelle atteinte à la diversité culturelle. Les plateformes numériques ont profondément modifié la manière dont les artistes sont découverts. Elles créent à la fois des opportunités d’échanges internationaux et une réduction de visibilité en raison de la concentration du marché et de la domination algorithmique. Les nouveaux systèmes de rémunération affectent particulièrement les artistes issus de petits pays, de petites langues ou de genres de niche. Les actions de la Commission européenne (DSA, DMA, enquêtes sur les concentrations) pour protéger la diversité et prévenir les abus de pouvoir sur le marché sont essentielles. La diversité musicale — langues, genres, styles — est non seulement un patrimoine culturel à protéger, mais aussi un avantage compétitif pour l’Europe. Elle est même nécessaire au développement de modèles d’intelligence artificielle efficaces. Encourager la diversité et intégrer la culture dans toutes les politiques européennes est donc vu comme un pilier pour l’avenir du secteur.

Lors du deuxième panel qui a porté sur l’impact croissant de l’Intelligence artificielle sur l’écosystème culturel, le député européen Hannes Heide a rappelé que la culture est fondamentalement le fruit du travail humain et a averti que les systèmes d’IA entraînés sur le travail des créateurs sans rémunération adéquate menacent l’intégrité artistique et les droits des créateurs. Il est ainsi urgent d’appliquer et renforcer les législations européennes existantes afin d’éviter que ce patrimoine ne soit « volé » et de s’adapter aux évolutions rapides du numérique.

Par ailleurs, le PDG de la GEMA, Tobias Holzmüller, s’est félicité de la récente décision de Munich contre OpenAI et a appelé à la mise en place d’un cadre européen équitable et applicable en matière de licences. Alors que près de la moitié des jeunes membres de la GEMA utilisent déjà l’intelligence artificielle dans leur processus créatif, il a averti que ces outils doivent être déployés en Europe avec responsabilité et une rémunération équitable pour les œuvres sur lesquelles ils s’appuient.

L’experte de l’UNESCO, le professeur Alexandra Bensamoun, a renforcé ce message, soulignant que des contenus culturels de haute qualité sont essentiels à la performance de l’intelligence artificielle et doivent être rémunérés équitablement. Elle a souligné que la réglementation est une nécessité démocratique, garantissant que la technologie se développe en accord avec les valeurs sociétales.

Alors que les modèles ont utilisé des bases pirates comprenant des œuvres protégées, contrefaçons et contenus illégaux, sans autorisation ni rémunération, l’intelligence artificielle dépend crucialement de contenus humains de qualité pour fonctionner correctement. Les créateurs sont donc les seuls contributeurs essentiels à n’être ni informés ni rémunérés. Le Code de bonnes pratiques européen manque de transparence et ne garantit pas l’effectivité des droits. Il faut donc instaurer des mécanismes incitatifs afin d’assurer une rémunération équitable aux titulaires de droits et de restaurer leur droit au recours.

En conclusion, le représentant de l’UNESCO auprès de l’UE, Lodovico Folin Calabi, a rappelé que la Convention doit être aussi pertinente aujourd’hui qu’il y a vingt ans. La protection de la diversité des expressions culturelles est à la fois un impératif culturel et démocratique et doit être soutenue par une action multilatérale soutenue, une rémunération équitable des créateurs et une collaboration étroite entre les gouvernements et la société civile. La diversité culturelle est constamment menacée, notamment par les inégalités, les conflits, la précarité des artistes et les transformations numériques. Elle reste pourtant essentielle à la démocratie et à la cohésion sociale, et son maintien exige un effort continu des États, des institutions et de la société civile.

À l’issue du débat une déclaration forte a été adoptée appelant à une action urgente pour :
– Réglementer les plateformes numériques afin de garantir un environnement équitable et favorable à la création européenne
– Garantir un partage équitable de la valeur entre les créateurs, les titulaires de droits, les plateformes numériques et les acteurs de l’IA
– Renforcer la contribution des plateformes et des services d’IA au financement de la culture et au respect de la propriété intellectuelle
– Soutenir une approche ambitieuse de la création et de l’intelligence artificielle afin que l’innovation serve la diversité culturelle, et maintienne la création humaine au centre.

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