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Discours de Nicolas Dubourg à l’AGO du 29 novembre 2021

Discours du président du Syndeac lors de l'AGO à Théâtre Ouvert.

Discours de Nicolas Dubourg, président du Syndeac depuis janvier 2021, à l’assemblée générale du 29 novembre 2021 à Théâtre Ouvert.

 

Bonjour à toutes et tous

Chers collègues

 

Il est évident que je ne savais pas à quoi m’attendre quand, il y a un peu moins de deux ans, à quelques encablures d’ici, je vous proposais ma candidature pour animer la vie de notre maison commune.

Je dis « Je », mais évidemment, je crois que ce que je vais dire est très largement partagé par mes collègues du Bureau que je tiens à remercier pour leur incroyable investissement et bienveillance à mes côtés depuis 2 ans.

 

Bruno Lobé, Catherine Méneret, Anne Monfort, Martin Palisse, vous allez prendre la parole pour défendre notre bilan, mais c’est un amical salut que je tiens à vous adresser ici pour commencer.

 

Je disais donc que je ne savais pas à quoi m’attendre et pourtant si nous sommes aujourd’hui un peu moins frais, un peu moins légers, je crois que nous n’avons pas perdu la boussole qui dans le gros temps nous a permis de tenir le cap, pour porter une ambition commune et inscrite dans l’histoire de notre syndicat, celle de la constitution d’un service public des arts et de la culture.

 

Avant de présenter les points saillants de notre mandat, je voudrais partager avec vous l’analyse que je tire du contexte politique dans lequel nous évoluons.

 

En commençant cette mandature, nous avons vite constaté que les corps intermédiaires étaient dans un rapport à l’État aussi déplorable que le sont les deux chambres.

Quand tout se décide au château, la concertation, le débat démocratique et sa publicité dans le débat national ne sont que des éléments de communication du gouvernement.

 

Cette hyper verticalité, maintes fois dénoncée, nous l’avons subie dans la crise sanitaire par le bal incessant des décisions contradictoires, découvertes la veille pour le lendemain et créant une défiance généralisée à l’endroit de l’institution. J’y reviendrai.

 

De là, une réflexion stratégique de taille. 

Si le débat est confisqué, si la représentation nationale se transforme en simple chambre d’enregistrement, à quel endroit et à quel moment doit-on agir en tant que syndicat pour influer sur le cours des décisions ?

Car si l’hyper verticalité met en lumière la quasi inutilité de l’Assemblée nationale dans la construction des politiques publiques, elle masque l’endroit de sa propre construction : la structure administrative élitaire du pouvoir français.

Les notes, projets de loi ou actes réglementaires sont construits et négociés dans les cabinets ministériels et arbitrés par une infime quantité de personnes, que le débat a posteriori ne peut faire évoluer qu’à l’extrême marge.

 

Aussi détestable que soit cette situation, aussi dangereuse soit-elle pour notre avenir démocratique, c’est une donne qu’il nous faut intégrer pour que notre action ne soit pas réduite à la production vaine d’un syndicalisme de commentaire.

 

Agir donc mais où et quand ?

Le choix que nous avons fait a donc été de repositionner notre action syndicale très en amont de la décision : en orientant le débat et son vocabulaire, en lui apportant des éléments de réflexion, des propositions et en contribuant à le structurer au niveau national comme dans les régions.

 

Les régions, d’ailleurs, sont un nouvel espace que nous avons investi.

Rappelez-vous nos débats il y a deux ans à peine, fallait-il intégrer ce nouvel horizon politique ? et comment ?

Par la mécanique crue des organisations, en à peine un mandat, les régions fusionnées ont investi le champ qui leur était donné et ce, malgré la persistance d’un cadre flou en matière de compétence culturelle.

Plus une région ne questionne, pour ne pas dire ne conteste , les dispositifs de l’État en matière culturelle. Leur vassalité d’un temps, leur égalité passagère évolue de plus en plus vers la recherche d’un leadership.

 

Cette évolution éclair, à un moment où les Drac peinent encore à se remettre de la fusion, doit être intégrée dans notre stratégie syndicale.

C’est dans cette perspective que nous avons œuvré pour la réactivation des Coreps et pour le cadrage national de leur fonctionnement par une nouvelle circulaire.

 

Alors oui ce mandat a été particulièrement riche.

Et je voudrais revenir quelques instants sur les principaux chapitres.

 

Le premier concerne des actions de négociations avec cet objectif d’intervenir de plus en plus tôt dans la prise de décisions.



  • Dès le début de la crise Covid, nous avons dû faire la démonstration de notre unité syndicale. Par de là les écueils des divisions disciplinaires et des corporations, nous avons su, par l’affirmation de notre solidarité professionnelle, proposer un modèle, qui a été repris par le gouvernement et qui rappelle la complémentarité des structures qui composent notre écosystème.

  • Historiquement inscrit dans la défense des artistes, des techniciens et de notre régime de solidarité, le Syndeac a non seulement contribué très activement dans la chambre syndicale à aboutir sur une année blanche qui répondait à nos exigences mais également à montrer notre capacité d’expertise et de mobilisation sur ces sujets. Je remercie tout autant Fabien André pour ses contributions que Hortense Archambault qui préside la sous-commission emploi.

  • Un autre chantier illustre cette action en amont, la réforme des aides aux équipes artistiques. Grâce à une commission des équipes artistiques très mobilisée nous avons su nous faire entendre de la DGCA par une négociation reposant sur une véritable légitimité de notre mandat et reposant tout autant sur l’expertise des compagnies que sur celle des Lieux.

  • Le printemps 2020 a aussi été l’occasion, malgré la crise sanitaire, de renforcer nos relations avec les associations d’élus territoriaux. Fruit de nombreuses réunions et rendez-vous de concertation, la campagne Le printemps est inexorable aura su témoigner de l’ambivalence du lien d’attachement que nos collectivités peuvent avoir à la culture et du devoir qui est le nôtre d’entretenir cette relation malheureusement abîmée par la raréfaction et l’affaiblissement des discours politiques sur la culture. Il s’agit d’un véritable paradoxe qui appelle à notre lucidité d’analyse et à notre plein engagement.

  • Enfin, nous avons je crois accompli un pas en avant important dans notre engagement sur le chemin de l’égalité entre les femmes et hommes que ce soit dans les questions socio-économiques autour des questions des moyens de production, des dates de diffusion ou que cela le soit dans l’inégalité symbolique qui conduit à toutes les formes de violences à l’égard des femmes mais aussi des personnes qui sont assignées à une origine sociale, géographique, un genre, une sexualité, bref à une catégorie imaginaire produisant certaines discriminations et agressions que nous connaissons au sein de nos entreprises. Connaître et diffuser la connaissance, prendre des engagements chiffrés, nous former collectivement et faire de ce chantier un travail continu. Le Syndeac a en quelque sorte pallié l’absence de chiffres produits par le Ministère et contribué, je crois, à accélérer les annonces du gouvernement. Ce travail nous l’avons mené aux côtés de celles et ceux qui sont en première ligne sur cette question, je pense bien sûr à notre commission égalité présidée par Aline César mais aussi aux collectifs et associations qui se mobilisent sur le terrain.




Le deuxième chapitre de mon intervention portera sur un chantier syndical qui avait été initié par Marie-José Malis avant moi, et qui consistait à nous mettre collectivement au travail pour produire des idées, influer le cours du débat : nommer, problématiser, expérimenter pour mieux proposer, pour mieux négocier.

Le chantier de notre mandature commence au cœur du printemps 2020, dans l’horizon bouché du premier confinement.

 

Et nous nous sommes alors fixé un objectif qui nous permettait, par-delà les urgences de la crise, de garder la tête hors de l’eau et de nous préparer sérieusement à l’échéance des élections de 2022 comme nous nous y étions engagés lors de notre élection.

Ce travail de vocabulaire a conduit à interroger les mots vidés de sens par l’expérience quotidienne. 

Art, culture, institution, service public, territoire, comment redonner un souffle à ces vieilles lunes ? comment parler une langue commune à nous acteurs de la culture et aux élus qui sont nos partenaires permanents ?

 

Notre travail a commencé par un séminaire, qui ressemblait un peu à une séance de divan. Totems et tabous, non-dits et lapsus et finalement tout autant de pleins que de vides.

Comment défendre notre action, comment la nommer ?

Et c’est assez naturellement, par un travail d’analogie que nous avons entamé notre démarche, en regardant ceux qui comme nous participent à construire une communauté de sens, de valeurs, d’espoirs. À ceux qui comme nous interrogent l’histoire, la justice, la transmission. À ceux qui comme nous promeuvent l’intérêt général plutôt que le profit, la valorisation du travail collectif plutôt que son appropriation. À ceux qui comme nous veulent écrire la suite de l’histoire et y associer celles et ceux qui en sont habituellement privés.

L’hôpital, la justice, l’école, évidemment mais aussi les services publics qui se constituent à un moment donné pour répondre à une question donnée en s’arrachant à la gangue des appétits et des esprits mesquins.

Et dans cette analogie nous avons trouvé plus mal en point que nous. 

 

À la suite du mouvement des gilets jaunes, les élections régionales puis municipales ont été frappées d’une abstention sans précédent. 60 % d’abstention pour les municipales contre 36 % en 2014, 65 % d’abstention aux régionales de 2021 contre 41 % en 2015.

 

Alors que tous les sondages nous prédisaient la montée inexorable du RN et la défaite des partis républicains, c’est l’institution même de l’élection qui a été battue dans les urnes.

 

Interroger l’institution en général donc, et pas uniquement les nôtres.

Interroger notre capacité à les faire évoluer, interroger notre capacité à inscrire notre travail en résonance des autres institutions du service public, construire les conditions qui permettent de faire de ce travail un chantier prioritaire du prochain quinquennat.

Nous avons la conviction que l’Art, et la politique culturelle créée en France depuis plus de 50 ans, ne peuvent pas être réduits à occuper les marges du débat public. C’est cette nécessité qu’il nous faut collectivement porter.

Voilà à quoi nous nous sommes consacrés et qui sera au cœur de notre travail pour les six prochains mois. 

Nous y reviendrons plus en détail cet après-midi.

 

Le troisième chapitre de notre mandat porte sur notre travail de négociation au sein de la chambre syndicale portant entre autres sur les conditions d’emploi, la formation, la prévention.

La crise sanitaire a mis rudement à l’épreuve notre calendrier et nous avons devant nous des chantiers qui faute d’avoir été traités dans les temps font peser sur notre horizon une accumulation de problématiques.

Pour ne pas gâcher totalement l’ambiance à une heure si précoce de la journée, je me concentrerai sur un des enjeux clefs des prochains mois : l’attractivité de notre secteur.

Nous le savons, les conditions salariales des services publics se sont fortement dégradées au cours des deux dernières décennies. Les classements internationaux plaçant la France aux mauvaises places concernant l’hôpital ou l’école ne donnent qu’une idée lointaine de l’état de notre propre secteur.

Pas une structure, compagnie ou lieu, n’est exempté de grandes difficultés dans la recherche de collaborateurs lors d’un remplacement ou d’une création de poste.

Cette difficulté trouve sa source dans de nombreux facteurs à commencer par le niveau des rémunérations, ou les contraintes physiques d’emploi.

 

Nous devons par ailleurs faire face à une accélération de l’inflation qui va accentuer encore la pression sur nos équilibres financiers au moment où la réouverture de la négociation sur les annexes se profile.

 

2022 sera donc une année clef à tout point de vue.

J’ai décidé de renouveler ma candidature à la présidence du Syndeac pour poursuivre les chantiers engagés et accentuer notre mobilisation pour défendre notre service public des arts et de la culture.

Même si bien sûr, par-delà le bureau, il y aura de la continuité.

Je tiens pour cela à nommer et remercier particulièrement l’équipe permanente qui produit un travail tout simplement impressionnant.

 

Un petit salut spécial à Rabia Krouchi qui a rejoint l’équipe il y a moins de deux ans et qui contribue si bien à organiser nos rencontres. 

 

Béatrice Schaller-Le Leu, Jean-Baptiste Barbuscia, Emmanuela Moraru, Imane Ezzine qui ont su affronter la charge de travail, les conditions dégradées liées au télétravail avec un investissement sans faille. Je crois que tous les adhérents ont pu en faire l’expérience.

 

Nous avons pu également compter sur Isabelle Lanaud, notre attachée de presse avec qui nous avons développé depuis un peu plus d’un an une nouvelle stratégie médiatique dont je crois que chacun a pu voir les fruits. Rendre notre action plus visible, c’était là aussi l’un de nos engagements.

 

Cette équipe, qui, sera bientôt complétée par un ou une nouvelle chargée de mission pôle vie syndicale dans les prochaines semaines.

 

Enfin, je tiens bien sûr à remercier nos deux commandants de bord, Vincent Moisselin et Philippe Grimm qui sont les deux visages tranquilles et souriants, sur lesquels le passager paranoïaque aime porter son regard quand les turbulences lui font imaginer un crash imminent.

Nous avons devant nous une belle journée de débats et d’échanges, je vous remercie d’être venus malgré le contexte.

 

Merci de votre confiance.





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