Annexe de la circulaire du 30 avril 1997: Les contrats d’objectifs pour les scènes nationales

Aujourd’hui plusieurs réseaux d’établissements. opéras. orchestres, centres dramatiques, centres chorégraphiques nationaux, scènes nationales, financés conjointement par l’Etat et les collectivités territoriales structurent de manière déterminante la création et la diffusion des arts vivants. C’est l’héritage de 50 ans de décentralisation artistique et culturelle à la française.

La confirmation des partenariats publics en faveur de ces réseaux d’établissements, dépositaires de missions d’intérêt général, impose de vérifier encore plus précisément ce qui les fonde et les anime à travers la conclusion de dispositifs contractuels.
Approfondir le débat entre collectivités partenaires d’une part, entre celles-ci et les institutions qu’elles financent d’autre part, orienter puis évaluer l’action de ces dernières, doit se traduire par des contrats qui énoncent et renforcent la responsabilisation de chacune des parties prenantes.

Ces contrats existent déjà pour plusieurs des réseaux nationaux précités.

Il est à présent indispensable d’instaurer un contrat d’objectifs avec chaque scène nationale, impliquant ses principaux partenaires publics.

Le présent document entend préciser les missions des scènes nationales et favoriser l’établissement de rapports contractuels entre chacune d’entre elles et ses tutelles.

I – LE CONSTAT

Le concept de scène nationale a été défini, en 1992, pour réaffirmer l’existence de ce réseau national en faveur du spectacle vivant. Outre un financement significatif de l’Etat, les scènes nationales ont aujourd’hui en commun des missions très générales formulées en tète de leurs statuts

 » – s’affirmer comme un lieu de production artistique de référence nationale, dans les domaines de la culture contemporaine

organiser la diffusion et la confrontation des formes artistiques en privilégiant la création contemporaine ,

participer dans son aire d’implantation (voire dans le Département et la Région) à une action de développement culturel favorisant de nouveaux comportements à l’égard de la création artistique et une meilleure insertion sociale de celle-ci »

Les directeurs des scènes nationales sont recrutés après appel à candidature, sur la présentation d’un projet pour l’établissement qui est la synthèse d’une trajectoire professionnelle, au cours de laquelle se sont forgés convictions et choix artistiques, et d’une appréhension, nécessairement limitée, de l’histoire, de l’environnement culturel, social et économique du lieu pour lequel les candidats postulent.

Il convient à présent de reposer avec force le principe d’une homogénéité des règles applicables aux établissements d’un même réseau, qu’il s’agisse des conditions de renouvellement des directeurs, des dispositifs partenariaux à conclure avec leurs tutelles ou de l’évaluation régulière des activités développées et de leur impact sur la population.

Il – LE CONTEXTE DU CONTRAT D’OBJECTIFS

Avant d’aborder le contenu du contrat, il convient de redire en préalable

que les scènes nationales sont des établissements pluridisciplinaires

que le contrat ne saurait substituer une approche normative à la diversité qui caractérise le réseau de ces établissements.

Le projet, qui peut être visionnaire et audacieux, est l’expression d’une ambition nourrie d’Intuitions et de réflexions au service des uvres et d’une population.

Le contrat d’objectifs ne remplace pas le projet du directeur, il le traduit et forme avec lui le cadre de référence de l’établissement.C’est pourquoi il revient au directeur d’en faire la proposition rédigée aux administrateurs de l’association de gestion et, en premier lieu, aux membres de droit, Etat et collectivités territoriales.

Conclu pour quatre saisons, il formule des objectifs précis à atteindre, tant dans le domaine artistique qu’au regard d’une population, et ce dans un laps de temps défini – trois saisons, la quatrième étant réservée à l’évaluation puis à la négociation éventuelle d’un nouveau contrat.

Ces objectifs mettent en jeu quatre domaines complémentaires

l’activité artistique de l’établissement,

son rapport au public,

l’inscription de la scène nationale dans son environnement,

son économie et son organisation fonctionnelle.

III – LES MISSIONS DES SCENES NATIONALES / LE CONTENU DES CONTRATS

A – L’ACTIVITE DE L’ETABLISSENIENT

1) – pluridisciplinarité artistique

La pluridisciplinarité vaut, au premier chef pour le spectacle vivant .- théâtre, musique, danse, arts de la piste, dans la diversité de leurs formes et de leurs expressions.

De par les statuts de l’établissement, l’activité doit témoigner des démarches et des recherches d’aujourd’hui, et comprendre également les formes vivantes du répertoire. Elle peut s’élargir à d’autres disciplines, le cinéma et les arts plastiques par exemple.

La pluridisciplinarité s’organise à partir d’un choix artistique structurant, reconnu par les tutelles à travers l’approbation du projet, que justifient, par exemple, l’histoire de l’établissement, son positionnement par rapport à d’autres institutions ou initiatives présentes dans la ville, l’agglomération voire le département ou la région, ou encore l’architecture des lieux.

Une attention particulière sera portée aux disciplines ou aux domaines qui disposent rarement des moyens nécessaires à la rencontre d’un public.

Les programmations doivent ainsi témoigner d’un effort important en faveur des oeuvres
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des auteurs et compositeurs contemporains.

2) – la place des artiste et de la production des uvre dans les scènes nationales

La pluridisciplinarité et la qualité artistique de la programmation des scènes nationales ont fait école – d’autres structures, et notamment nombre de théâtres de ville, bâtissent aujourd’hui, en région, des saisons où des uvres exigeantes occupent une place importante.

Au-delà de cette mission de programmation, pour laquelle les scènes nationales doivent demeurer des maisons de référence, l’originalité de leur mission réside aujourd’hui dans la responsabilité croissante qu’elles prennent vis-à-vis des artistes et de la production des oeuvres.

Le directeur d’une scène nationale se devra donc de faire le choix de projets d’artistes, et de leur accompagnement dans la durée, selon le mode le plus approprié: apports financiers à la production, préachats, apports en compétences techniques et administratives, en industrie.

Ces choix particuliers d’artistes constitueront des lignes de force pour la vie de l’établissement – ils participeront ainsi à l’identification artistique de chaque scène nationale et contribueront à la dynamique de l’élargissement des publics.
L’engagement au côté d’artistes suppose des prises de risques, un investissement significatif en apports Financiers et / ou en moyens et l’affirmation active de ces choix.

Dans cette optique, une attention toute particulière sera portée à l’émergence de nouveaux talents ou de nouvelles démarches artistiques.

L’apport financier en production devra s’accompagner d’une réelle implication de la scène nationale dans le devenir artistique et économique de l’oeuvre.

Ce compagnonnage permettra de définir en commun avec les artistes concernés, les coûts de production, ceux d’exploitation, partant le prix de vente, de procéder de façon optimale à la recherche prospective d’une tournée et de possibilités de reprises ultérieures.

La présence durable d’artistes dans un établissement, c’est aussi une présence dans la cité qui doit être perçue par la population. Il s’agit également d’organiser cette perception, d’en préciser les attentes, notamment de Fréquentation des spectacles programmés.

3) – La circulation des oeuvres de création et dit répertoire

La place tenue par les scènes nationales dans la diffusion des uvres du répertoire, contemporaines ou anciennes, demeure primordiale. favoriser l’accès du public aux grandes uvres de la création et du répertoire répond de façon complémentaire mais indispensable,
une exigence de démocratie culturelle, au double principe de formation et d’élargissement des publics.

B – LE PUBLIC

L’aboutissement d’un spectacle est, sauf exception, sa confrontation avec le public. voire son appropriation. Un public n’est pas seulement une somme d’individus pour quelques temps rassemblés. L’affirmation du goût l’appropriation de l’uvre par le spectateur suppose une certaine régularité de Fréquentation. Une fidélisation du public est donc nécessaire.

On sait cependant que la qualité d’un public suppose qu’il ne se résume pas aux abonnés de l’établissement, fussent-ils très nombreux. Sa vitalité se nourrit aussi de l’apport des spectateurs occasionnels qui, à chaque proposition, viennent s’adjoindre à ceux déjà fidélisés. L’abonnement ne correspond pas toujours, en effet, aux pratiques de certaines catégories de la population.

Les artistes ne créent pas en dehors de leur temps, les comportements individuels et collectifs changent, les relais que constituaient les regroupements de spectateurs après avoir souvent disparu renaissent sous d’autres formes. Le public, lui aussi, évolue, qu’il s’agisse des tranches d’âge représentées, de sa composition sociologique comme géographique. En tout état de cause, les moyens de sa croissance et de son élargissement doivent être, en pennanence, recherchés par les directeurs d’établissements, dans l’esprit des principes fondateurs de la décentralisation théâtrale et grâce à toutes ses déclinaisons singulières, renouvelées, adéquates à l’époque présente et à l’environnement de chaque scène nationale

1) – Connaître le public

La part prépondérante des fonds publics dans le financement des scènes nationales impose de réaffirmer avec force l’obligation de démocratie culturelle.

Chaque Scène nationale se doit de procéder à l’analyse fine de la composition de ses publics.

A plus long terme, la connaissance du public suppose de fournir une assistance méthodologique aux établissements. A cette fin, les services de l’Etat (Direction du théâtre et des spectacles et Département des études et de la prospective) et la profession se concerteront au cours de l’année 1997 pour élaborer un observatoire des publics.

Cette meilleure connaissance analytique du public, et de la population, demandée à chaque établissement est indispensable pour conforter une appréciation plus qualitative des relations de la scène nationale à la population et défendre les choix de développement qu elle est amenée à effectuer.

2) – Renouveler et élargir le public

Si le directeur de la scène nationale se doit de réunir un public qui transcende les clivages, d’accroître la curiosité des spectateurs souvent plus attentifs à une discipline qu’à une autre, de faire en sorte que le plus grand nombre d’adultes, de Jeunes, d’enfants franchissent le seuil du théâtre. il doit aussi tenir compte des composantes de la population qui, pour des raisons culturelles, économiques ou encore sociales, ne viennent pas d’elle-même s’agréger au public.

La qualité de la programmation et la présence d’artistes dans l’établissement doivent permettre d’élargir et d’accroître le public: écoles du spectateur, constitution de relais, partenariats avec le monde éducatif et universitaire, avec les enseignements artistiques spécialisés, les comités d’entreprises, les structures socio-éducatives de quartier, les organismes d’insertion (missions locales), les associations d’amateurs …. ne peuvent que contribuer à atteindre cet objectif.

Le document ne manquera pas d’indiquer les partenaires (entreprises culturelles et artistiques voisines, établissements d’enseignement, organismes sociaux ou socioculturels …. ) impliqués dans la mise en uvre de ces objectifs.

D’une autre manière, les dépenses d’information, qui ne sauraient obéir à une logique propre, devront être guidées par le double souci de la fidélisation du public et de son développement. Les publications afférentes seront la traduction d’une ambition d’information claire et simple pour accéder aux uvres. On se défiera d’éditions par trop dispendieuses, réservant ainsi le maximum de moyens à la meilleure médiation qui soit: la rencontre entre les spectateurs, les artistes et les oeuvres.

La politique tarifaire doit être conçue en fonction des publics existants et potentiels. Les exonérés doivent faire l’objet d’une limitation vigilante. Le contrat fera mention d’objectifs de fréquentation.

C L’INSCRIPTION DE L’ETABLISSEMENT DANS SON ENVIRONNEMENT

Les questions précédemment esquissées à propos du public, doivent aussi être abordées à partir d’une donnée plus globale qu’est la population de la ville. de l’agglomération- de la  » zone d’influence  » de l’établissement.Données qui tiennent compte des clivages sociaux, économiques, urbains et géographiques.

Elles devraient souvent conduire l’établissement à sortir de ses murs: spectacles de rue, musique, danse, théâtre en appartement ou en entreprise…. ont souvent démontré leur efficacité, en initiant des liens durables avec des gens que les formes traditionnelles de relation avec le public n’auraient sans doute jamais permis de rencontrer. Encore faut-il que cette action hors les murs du théâtre fasse montre d’exigences artistiques et techniques comparables à celles qui prévalent dans la préparation de la saison au siège de la scène nationale.

Cette action peut être l’occasion de commandes particulières à des auteurs, des interprètes, des metteurs en scène, des chorégraphes…. accueillis ou coproduits au cours de cette même saison, et apporter aux liens ainsi noués dans les quartiers, chez des particuliers, sur des lieux de travail ou de chalandise des prolongement qui porteront certains, un jour, vers la fréquentation régulière du spectacle vivant.

On ne songe pas seulement ici aux personnes frappées pas l’exclusion économique, mais aussi à ces catégories de la population qui ont des revenus modestes mais réguliers et qui n’ont, pour autant, jamais poussé la porte d’un théâtre.

Il faut à ce sujet réussir à mobiliser les moyens qui existent, notamment dans le cadre de la politique de la ville, en rappelant, à cette occasion, que les scènes nationales sont des acteurs à part entière de cette politique.

L’activité de la scène nationale doit également prendre en compte celle des autres professionnels qui interviennent sur la même aire géographique pour confronter avec eux leurs pratiques culturelles respectives en prise avec la vie de la cité, clarifier au besoin les fonctions de chacun, voire bâtir avec eux de véritables partenariats.

D – L’ORGANISATION DE L’ETABLISSEMENT

Sur ce chapitre, un organigramme fonctionnel. au besoin Provisionnel traduira la capacité de l’établissement a mettre en uvre les objectifs fixés par le contrat dans l’esprit du présent document.

Le contrat précisera les dispositions prises par la direction en matière de gestion des ressources humaines, et en particulier de formation professionnelle continue des salariés dans le respect des règles de la profession.

Il fixera également comme objectif, si ce n’est pas encore le cas, de réaliser progressivement l’unité de statut du personnel sous l’autorité du directeur.

Les objectifs du contrats devront, par ailleurs, être cohérents avec les caractéristiques architecturales et techniques de l’établissement, ou leur évolution si elle est prévue dans ce cadre.

Une annexe recensera, dans cet esprit, les locaux et les moyens techniques mis à disposition de l’établissement pour l’exécution du contrat.

Ce chapitre fournira enfin l’occasion de s’assurer de la bonne mise à jour des diverses conventions qui peuvent lier l’établissement.

IV PROCEDURES D’ELABORATION ET D’EVALUATION

1) – L’élaboration du contrat

Le contrat d’objectifs est conclu pour -4 saisons pleines entre le directeur de l’établissement,
l’association de gestion, l’Etat, les collectivités territoriales qui apportent des financements

réguliers et significatifs dans leur montant.

A la demande du Président, il est rédigé par le directeur et débattu en conseil d’administration. Dans sa for-me, il respecte l’économie générale de la présente note d’orientation et comporte des développements, comme indiqué au III, portant respectivement sur

l’activité artistique de l’établissement, – son rapport au public, – l’inscription de l’établissement dans son environnement, – son économie et son organisation fonctionnelle.

Chacun de ces développements est porteur d’objectifs précis pour la période de référence. Ces derniers s’inscrivent dans le cadre économique et financier que constituent le compte de résultat du dernier exercice écoulé et le bilan de l’établissement. Chaque partenaire public, partie prenante du contrat. garantit à la Scène nationale, a minima, pendant la durée du dit contrat et sous réserve du vote par le parlement des lois de finances correspondantes, pour l’Etat, et de celui de leur budget, pour les collectivités territoriales concernées, les ressources budgétaires annuelles figurant à ce cadre.

Lors de la présentation du projet de contrat au Conseil d’administration, le directeur entend les suggestions de ses membres. Il élabore, après discussion, un texte final pour approbation définitive.

2) L ‘évaluation du contrat

L’évaluation régulière, sur un rythme de quatre années, est le moyen pour la Scène nationale de vérifier et d’analyser la pertinence de ses choix et de son action. Pour la Scène nationale, elle représente le moment privilégié d’une analyse fine et problématisée de son activité. Grâce à cette meilleure connaissance, l’évaluation doit permettre d’insuffler en permanence de nouvelles dynamiques, de mettre à jour des questionnements et de repréciser, si nécessaire, les objectifs. Les circonstances de mise en oeuvre du projet, l’évolution du contexte environnant la Scène nationale, la qualité et l’engagement de l’équipe professionnelle animée par le directeur fondent ce bilan d’étape.

En cours d’exécution, le directeur informe chaque année le conseil d’administration de l’avancement des objectifs du contrat.

Pour l’Etat, le directeur régional des affaires culturelles est chargé du suivi régulier de cette mise en oeuvre.

La dernière saison du contrat est celle de son évaluation. Pour l’Etat, elle sera confiée à l’Inspection générale de la création et des enseignements artistiques en liaison avec la Direction régionale des affaires culturelles concernée.
Un conseil d’administration ponctuera le processus d’ensemble de l’évaluation du contrat. Le directeur pourra, à cette occasion, analyser et commenter les inflexions qui auraient, le cas échéant, été constatées entre les objectifs initiaux et ceux effectivement atteints.

Annexe de la circulaire du 30 avril 1997: Les contrats d’objectifs pour les scènes nationales